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L'EMPREINTE DU MAITRE-ORFEVRE REPETEE TROIS FOIS A L'EXCLUSION
DE TOUT AUTRE POINCON SUR L'ORFEVRERIE FRANCAISE DE 1672 A
1798
(PARTIE 1) LE MARQUAGE PAR LES MAITRES-ABONNES SOUS L'ANCIEN
REGIME
Collectionneurs et professionnels trouvent relativement
souvent des pièces d'orfèvrerie du XVIII ème siècle portant l'empreinte
du poinçon de Maître Orfèvre répétée trois fois à l'exclusion de
toute autre, ce qui rend d'ailleurs leur identification très
difficile. Il est d'usage de les attribuer à des Maîtres-Abonnés.
Clavandier, par le Maître Orfèvre Antoine II
PARREL, Le PUY en VELAY, 18ème siècle
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Poinçon de l'orfèvre répété trois fois
(Collection particulière)
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Après un bref rappel de la législation en vigueur, nous
essaierons d'apprécier si cette opinion est fondée, de préciser
la manière dont les Maîtres Abonnés marquaient leurs ouvrages,
et quelle signification attribuer à cette triple insculpation du
poinçon personnel de l'orfèvre.
RAPPEL DE LA LEGISLATION
Le Droit de Marque (impôt sur les ouvrages d'or et d'argent
fabriqués en France) fut définitivement établi par la
Déclaration de Louis XIV du 31 mars 1672 [1a]. Un Arrêt du 5
août 1677 met en place le système définitif de la Charge et de
la Décharge [1b] . Le Règlement Général sur le Fait de l'Orfèvrerie
du 30 décembre 1679 stipule que "les orfèvres seront tenus de
marquer chacun de leur poinçon et de faire contremarquer du
poinçon commun en lieu visible, tous les ouvrages d'or et d'argent
qu'ils fabriquent" [2a]. Le poinçon de contremarque, encore
dit "de jurande" sanctionne l'essai garantissant le titre
réglementaire du métal.
Les droits de contrôle sont confiés par bail à une Ferme
Générale (et à partir du 1er octobre 1774 à une Régie). Après
apposition du poinçon de contremarque par le Garde, lorsque l'ouvrage
est encore brut, conformément à l'Ordonnance du 22 juillet 1681
consacrée à la Ferme, l'orfèvre fait sa soumission au Fermier
qui fait apposer sur la pièce un poinçon appelé "poinçon de
charge", en ce qu'il oblige l'orfèvre à représenter au Fermier
la pièce empreinte de ce poinçon, lorsque l'objet est terminé.
Après paiement des droits par l'orfèvre, le Fermier y appose "le
poinçon de décharge" [2b].
Dans les villes où il n'y a pas de jurande, les orfèvres seront
tenus de faire marquer du poinçon de jurande et des poinçons du
droit de marque tous ouvrages d'or et d'argent aux plus
prochains bureaux de jurande et bureau de la Marque de la
Généralité de leur rattachement [2c].
Normalement, dans les pays d'Etat, une pièce d'orfèvrerie
fabriquée entre 1677 et 1791 doit comporter quatre poinçons
différents pour être en règle et pouvoir être vendue. Dans les
provinces réputées étrangères, il n'en faut que trois, ceux de
communauté de reconnaissance et du Maître. Ces dispositions n'ont
jamais été expressément révoquées. Or, nous rencontrons des
pièces approximativement datées par la période d'activité du
Maître Orfèvre, portant le poinçon de ce dernier répété trois
fois, à l'exclusion de tout autre. On a l'habitude de les
attribuer à des "Maîtres Abonnés".
Il s'agit d'orfèvres demeurant dans des villes en principe
dépourvues de jurande ou d'un Bureau de la Marque. Charger et
décharger à la Maison Commune ou chez le Fermier dont ils
dépendent leur imposerait des déplacements coûteux et dangereux.
Aussi pouvaient-ils contracter avec le Fermier un abonnement
annuel aux droits de Marque fixé forfaitairement payable
annuellement ou par quartiers, basé sur leur production estimée.
Il n'y a pas de Maîtres Abonnés à Paris intra muros. Il n'y en a
pas non plus dans les provinces récemment annexées puisqu'elles
ne sont pas soumises au droit de marque.
Nous allons essayer de préciser la situation de ces Maîtres
Abonnés à la lumière de quelques documents anciens.
Certains baux d'abonnement précisent que les pièces doivent être
marquées, conformément à la réglementation et donc être soumises
à la charge et à la décharge.
- du 1/10/1684 au 30/9/1689, Sulpice SYMON prend la sous-ferme
d'AVALLON et abonne aux droits les orfèvres. Il prévoit dans le
contrat que les pièces doivent être poinçonnées par son commis
[3a].
- de 1698 à 1703, à MACON et BOURG-EN-BRESSE, de 1744 à 1780 à
DIJON où il y avait une jurande, les orfèvres "abonnataires"
étaient tenus selon les termes du bail de faire insculper les
poinçons de charge et de décharge en cours sur leurs oeuvres
[4a].
- Le 1er juillet 1739, le sous-fermier du Droit de Marque pour
la ville de LAON adopte des poinçons différents, selon que les
orfèvres étaient abonnés ou pas [15a].
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Régie
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Abonnement
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Pour les gros ouvrages
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Main
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Fleur de lys couronnée
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Pour les vieux ouvrages
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Lévrier
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Coeur entouré de trois fleurs de lys
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Pour les petits ouvrages
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Rose
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Tour
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Pour les ouvrages qui ne pourront souffrir la
marque
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Bâton royal fleurdelisé
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Lys
|
- Il est des villes où la Communauté toute entière est
abonnée pour des périodes déterminées. Les Communautés
entièrement abonnées se servaient souvent de poinçons spéciaux
remplaçant ceux du Fermier.
- Un des plus anciens Baux d'Abonnement retrouvé, signé à
BOURGES le 19 juillet 1673, stipule que "le poinçon est
confié à Charles BERAULT qui devra le délivrer aux (orfèvres)
associés moyennant un récépissé pour que chacun marque ses
propres ouvrages" [14a]. Ce poinçon sera reconnu par la "marque
d'un mouton" [14b].
- A la fin de l'abonnement couru de 1674 à 1676, les orfèvres
demandent à être déchargés des poinçons marqués d'un "Y et d'une
fleur de lys dessus" qui leur ont servi à contrôler leurs
ouvrages [14c].
- Les Orfèvres de Troyes ont passé un bail d'abonnement pour six
ans à compter du 1er octobre 1680. Les Orfèvres qui disposent du
droit de la Ferme pour la région de Troyes auront pour marquer
la vaisselle et les autres ouvrages d'argent blanc un poinçon
marqué d'une "fleur de lys avec la lettre de la Monnaie en
cette province S" [16a]. (La Monnaie de Troyes a été
transférée à Reims par édit d'avril 1679).
- Toujours à Troyes, un bail passé le 21
décembre 1694 stipule que pendant le temps de ce
bail, on ne procèdera pas aux visites des boutiques.
Les orfèvres seront tenus de marquer leurs ouvrages
d'un poinçon portant "un D surmonté de deux
fleurs de lys, un point et une couronne fermée".
[16b]. A l'expiration du bail, ils rendront les poinçons.
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|
. |
Poinçon confié aux Maîtres Abonnés de TROYES
pour servir entre le 1er janvier 1695 et le dernier
septembre 1697 (décrit par Madame S. Brault-Lerch).
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- Le 6 avril 1724, au cours d'un procès, Claude TESTELETTE,
Orfèvre à la Charité déclare qu'il pense "être dispensé de
tenir un registre puisqu'il a un abonnement". [14 d]
- Dans un Arrêt de la Cour des AIDES du 18 avril 1777, il est indiqué
que Julien ALATERRE abonna la Communauté des Orfèvres de
CHAUMONT qui apposa sur ses ouvrages un poinçon spécial qui
tenait lieu de poinçon de décharge du Fermier [2h]. Ce poinçon
n'est pas décrit.
- En octobre 1750, le Fermier Général Julien BERTHE fait
insculper le premier poinçon de "reconnaissance pour les
ouvrages d'orfèvres abonnés", "un tourteau en abîme, une
étoile dessous" [1c]. Ce poinçon a été conservé et insculpé
sur la table de cuivre de la Cour des Monnaies par Jean-Jacques
PREVOST en 1772, puis par ALATERRE en 1768. Il a disparu avec la
Régie de FOUACHE qui ne l'a pas non plus remplacé. Nous ne l'avons
jamais rencontré sur un objet.
De nos jours, on a l'habitude d'attribuer à un Maître Abonné les
ouvrages comportant un poinçon d'orfèvre répété trois fois à l'exclusion
de tout autre [Figure A]. Est-ce bien justifié?
L'examen de quelques baux apporte des éléments de réponse.
- A la suite d'un procès concernant des bagues qui lui sont
rendues, Henri BRIET, Maître Orfèvre à CARCASSONNE bénéficie le
21 juin 1681 de la mesure suivante: "le sous-fermier n'aura
plus droit de regard sur ses ouvrages moyennant une redevance
annuelle forfaitaire (autrement dit, un abonnement), de trente
livres, payables par quartier, par avance de trois mois en trois
mois au départ du 1er juillet suivant, moyennant quoi le dit
BRIET pourra marquer les objets d'or et d'argent si bon lui
semble" [5a].
- Le 10 mai 1726, à ALBI, LARROQUE a abonné pour six années
ayant commencé à courir le 1er octobre 1725 un droit de contrôle
et marque de tous les ouvrages d'or et d'argent que les orfèvres
fabriquent et vendent au dit ALBI .... moyennant quoi, il sera
permis aux orfèvres d'ALBI de fabriquer et vendre tous leurs
ouvrages marqués de leur poinçon ordinaire seulement [6a].
Ecuelle couverte et son présentoir,
Maître Orfèvre Jean II VIEUSSEUX, vers 1740
|
Poinçon de reconnaissance de la ville
d'ALBI
et poinçon du Maître Orfèvre
(Collection Bernard de LEYE)
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- Etienne RIDEREAU ayant été adjudicataire le 1er juillet
1684 du droit de seigneuriage "qui sera levé dans toute l'étendue
du Royaume" sous-traite Lectoure au seul orfèvre y
travaillant, Georges I GROEN et par acte notarié signé à Auch le
9 février 1685 lui confie le poinçon de Ferme "que les
sous-fermiers généraux ont fait marquer pour servir dans toute
la Généralité dudit Montauban". Il l'appliquera lui-même sur
les ouvrages fabriqués dans sa boutique comptabilisant les
droits dont il devra justifier au Fermier, fixés comme dans tout
le Royaume à trois livres par once d'or et deux livres par once
d'argent.
- En conséquence de ce bail conclu pour trois ans et demi, durée
de celui du Fermier Général RIDEREAU, le sous-fermier du nom de
JAUNAC confie à GROEN son poinçon de Ferme "semblable à ceux
qui ont été ou seront délivrés aux orfèvres de lad. Généralité,
lequel poinçon est marqué d'un L couronné que ledit GROEN sera
tenu de rendre à la fin du présent ferme et en cas led. Poinçon
se casse led. GROEN sera aussy tenu de rendre les pièces ...
" [6c].
- Le 6 juillet 1726, à LECTOURE, Antoine GROEN, fils de Georges,
a abonné le droit de marque et de contrôle de tous les ouvrages
d'or et d'argent qu'il fabriquera et débitera à LECTOURE ...
moyennant quoi il lui sera permis de vendre tous ses ouvrages
marqués seulement de son poinçon ordinaire [6b].
Ces exemples nous montrent qu'il y eut des dérogations au
Règlement de 1679 en faveur des orfèvres abonnés.
On peut aussi rencontrer des objets marqués du poinçon de Maître
insculpé une ou plusieurs fois, accompagné uniquement du poinçon
de contremarque du Garde; il s'agira le plus souvent d'orfèvres
travaillant dans des villes où il y a une jurande, qui sont
abonnés car ils sont éloignés du Bureau de la Marque. Il peut
aussi s'agir de villes telles que Sens où la communauté entière
était abonnée de 1687 à 1768.
Timbale à bordure de godrons,
le corps appliqué de
lambrequins par François
Isaac BALDUC,
SENS, 1763-1768
|
Poinçon de Maître
Orfèvre deux foiset
jurande. Vente
Christie's Paris
21 juin 2006 n°26.
|
A noter cependant qu'à Marseille, on trouve toujours le
poinçon de Maître insculpé deux fois, accompagné du poinçon de
jurande à partir de 1779, en dehors de tout abonnement. Des
lettres patentes de Louis XVI du 7 avril 1778 "pour
application en Provence" ont exempté les orfèvres de
Marseille du droit de Marque. Dès lors, il n'y a plus lieu d'insculper
des poinçons de charge ou de décharge ou de conclure des
abonnements. En revanche, le contrôle du titre et le poinçon du
jurande n'ont pas été abolis [18].
Nous citerons une situation extrême. Pour le PUY, les droits
sont payés à MONTPELLIER et non à RIOM, siège de la juridiction
des Monnaies. En 1739, BLANC et PARREL, gardes, vont à
MONTPELLIER pour traiter à forfait le droit de marque avec le
Fermier [5b]. Nous connaissons un clavandier portant trois fois
le poinçon AP couronné d'Antoine II PARREL et CASSAN, reproduit
une cafetière
Poinçon AP couronné d'Antoine II PARREL
répété trois fois
|
Les abonnements étaient révocables à chaque renouvellement
du bail général. Cela entraîne de nombreuses contestations au
sujet de la Marque pour savoir si après la fin de l'abonnement,
les orfèvres devaient des droits au nouveau Fermier pour les
objets se trouvant dans leur atelier, qui n'avaient pas encore
été vendus, d'où une jurisprudence non dénuée d'intérêt.
Rappelons que le Règlement Général de 1679 "fait défense aux
orfèvres d'avoir dans leur maison aucun ouvrage monté et
assemblé même d'exposer à la vente ceux qui ont été ci-devant
fabriqués q'ils n'aient été préalablement marqués et
contremarqués à peine de confiscation et de 3 000 livres d'amende.".
Ces litiges étaient en général réglés à l'avantage du Fermier,
l'abonnement ne portant que sur les objets fabriqués et vendus
pendant le cours du bail. Les orfèvres étaient condamnés à payer
les droits. Toutefois, les orfèvres antérieurement abonnés n'étaient
pas inquiétés par la juridiction des Monnaies pour l'absence de
poinçons de la Marque sur les objets trouvés chez eux.
Ces situations font l'objet, entre autres, d'un Arrêt du Conseil
du 8/11/1681 concernant les orfèvres de CLERMONT en Auvergne
[2c], de celui du 15/1/1733 pour ceux de SAINT-GERMAIN EN LAYE,
d'un Arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 7/11/1769 pour ceux de
PONTOISE [2c].
L'Arrêt du Conseil du 1/10/1697 concernant REIMS, TROYES et d'autres
villes illustre parfaitement ces situations:
- VANIER (Fermier) veut recouvrer le droit de plusieurs orfèvres
abonnés, car il n'entend plus entretenir les abonnements. Il
veut leur faire payer les droits des ouvrages qui seraient
trouvés en état de vente, les marquer de son poinçon. Les dits
orfèvres ont refusé de payer les droits des ouvrages finis "leur
poinçon étant sur iceux et les droits étant censés en avoir été
acquittés parce qu'ils ont été achevés au cours des abonnements
qui leur avaient été précédemment faits". Cela sous-entend
qu'ils ne portaient ni poinçon de charge, ni poinçon de décharge.
- Les élus de REIMS par une sentence du 15 juin 1697 ont déclaré
VANIER non recevable dans sa demande. Le Fermier présente alors
une requête au Roi. Le Roi n'a pas cassé la sentence des élus de
REIMS. Il ne conteste pas le marquage par les Maîtres Abonnés de
leur seul poinçon personnel pendant la durée de l'abonnement,
mais il ordonne "que les abonnements faits par les Fermiers
qui l'ont précédé avec les orfèvres de la ville de REIMS et
autres villes du Royaume seront exécutés et le prix d'iceux payé
au dit VANIER pour le temps de sa jouissance jusqu'au dernier
septembre 1697, et qu'à commencer du premier jour du présent
mois, ledit VANIER pourra faire la visite dans les maisons et
boutiques des orfèvres, ouvriers et autres faisant le commerce
d'or et d'argent, tant dans la ville de REIMS que dans les
autres villes, lesquels seront tenus de représenter à ses Commis
et Préposés tous les ouvrages tant neufs que vieux à eux
appartenant, soit finis, soit en état de vente, soit qu'ils ne
le soient pas, desquels il sera fait inventaire pour être les
ouvrages neufs finis et en état de vente, marqués du poinçon
dudit VANIER et les droits desdits ouvrages à lui payés et les
ouvrages marqués de l'ancien poinçon, contremarqués de celui
dudit VANIER, si bon lui semble, sans frais" [2f].
Toutes ces décisions dispensant les ouvrages des Maîtres Abonnés
des poinçons de la Marque portent sur des situations
individuelles. Vu leur répétition tout au long du siècle dans
des villes éloignées les unes des autres, il semble bien s?agir
d'un usage et d'une tolérance assez répandus.
Une jurisprudence constante admet implicitement que dans les
lieux abonnés ou si les orfèvres sont abonnés individuellement
leurs ouvrages étaient dispensés des poinçons de charge et de
décharge. Les orfèvres abonnés n'étaient obligés ni de tenir un
registre des achats et des ventes, ni de supporter les visites
des Gardes et des Sous-Fermiers.
Mais il faudra attendre un Arrêt du Conseil du 8 décembre 1772
pour que le Roi s'exprime de façon claire et indiscutable. Les
orfèvres de Rennes s'étaient abonnés le 1er avril 1770. Dans un
conflit qui oppose François Nicolas Joseph GIRARD, Maître
Orfèvre à Rennes à DELAVAUX, Sous-Fermier de la Généralité de
Bretagne, le Roi "ordonne que l'abonnement passé entre eux le
1er avril 1770 sera exécuté selon sa forme et teneur, en
conséquence dispense sa Majesté ledit DELAVAUX d'apposer le
poinçon de charge et de décharge sur les menus ouvrages de
bijouterie, boucles grandes et petites et autres, compris audit
abonnement et tant qu'il subsistera ...." [2g]
Cet Arrêt est suivi d'un Arrêt du Conseil du 19 janvier 1773 qui
officialise et généralise cette coutume ancienne. Nous le
reproduisons in extenso:
"Qui décide qu'un Orfèvre abonné pour les droits de marque de
tous les ouvrages qu'il fera & vendra, pendant son abonnement,
doit, à l'expiration dudit abonnement, les droits des ouvrages
qui se trouvent chez lui, lors du procès-verbal de la
contre-marque générale du nouveau Fermier, n'étant pas marqués
du poinçon de décharge du précédent Fermier.
Cet Arrêt en casse un de la Cour des Aides de Paris, qui avait
décidé le contraire, en faveur des Orfèvres de Poitiers.
Nota. Si le Fermier n'est pas tenu des mettre ses poinçons sur
les ouvrages faits par les Abonnés, comme il est décidé par l'Arrêt
précédent, il en résultera qu'à la fin de l'abonnement, l'Orfèvre
aura dans sa boutique plusieurs ouvrages finis, pour lesquels il
paiera les droits, qu'il n'eût pas payés, si le Fermier n'eût
pas pu lui refuser son poinçon de décharge."[2j]
En 1788, LECAIN indique dans le chapitre consacré à la
législation de la profession dans l'Encyclopédie Raisonnée, que
"les orfèvres pouvaient contracter un abonnement avec le
Fermier ou le Régisseur; dans ce cas, ce dernier était dispensé
de poinçon de charge et de décharge sur les ouvrages des
orfèvres ainsi abonnés". [8]
Louis CARRE signale qu'une indication de ce type figure déjà
dans la Déclaration du Roi du 26 janvier 1749. Il s'agit d'une
erreur manifeste; aucune mention concernant les Maîtres Abonnés
n'y figure [2h].
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