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Poinçons de fraude fiscale du XVIIIème siècle
Chalon sur Saône (France) 1762-1768
A l’occasion de l’examen d’une collection privée de couverts
du XVIIIème siècle français, je découvre une pièce
exceptionnelle d’époque Louis XV, authentique mais frappée de
faux poinçons traduisant la volonté de l’orfèvre d’échapper au
paiement de l’impôt sur l’orfèvrerie.
Malgré ses faux poinçons, l’objet, une
fourchette en argent uni (modèle qualifié
"d’uniplat"), peut être situé et valablement daté de
Chalon sur Saône en Bourgogne, période 1762-1768.
La ville de Chalon-sur-Saône fait alors partie de la
région administrative ("Généralité") de Bourgogne,
dont la capitale est DIJON. Elle se situe à environ
130 kilomètres au Nord de LYON.
La corporation des orfèvres de Chalon compte en
moyenne 6 ateliers au XVIIIème siècle.
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Cet article explore comment les règles "d’insculpation", c’est-à-dire
la frappe des poinçons, ont été volontairement bafouées par l’orfèvre.
LES REGLES D'INSCULPATION DES POINCONS FRANCAIS SUR LE REGNE DE LOUIS XV
Depuis 1672, et dans l’immense majorité des villes du royaume de
France, les objets en métaux précieux sont assujettis à un impôt,
le "Droit de Marque". La collecte de cet impôt est assurée dans
chaque cité par un "fermier général" qui tient ce droit par un
bail reçu de l’autorité royale. La traduction de la collecte de
l’impôt est observable sur les objets, grâce à deux poinçons (dans
le cas général) frappés sur les objets:
- la Charge, qui correspond à une déclaration d’impôt par l’orfèvre.
Le maître présente au fermier l’objet à l’état d’ébauche,
simplement pourvu de son poinçon personnel. Le collecteur
atteste alors de cette présentation par le poinçon de charge qui
engage l’orfèvre à représenter l’objet achevé et à régler les
taxes sur l’orfèvrerie.
- la Décharge, qui traduit l’encaissement de l’impôt par le
fermier, ce poinçon «déchargeant» ainsi l’objet de toute
nouvelle soumission.
L’orfèvre est également tenu de faire vérifier ("essayer") par
la corporation des orfèvres, représentée par un ou plusieurs
Gardes, la qualité du métal précieux contenu dans l’objet. Cet
essai est validé par un poinçon de Garantie.
En définitive, les pièces d’orfèvrerie doivent comporter 4
poinçons, frappés à différents moments: tout d’abord le poinçon
personnel de l’orfèvre, la charge, puis la garantie, enfin la
décharge lorsque la pièce est prête à être vendue.
La ville de Chalon-sur-Saône en Bourgogne ne fait pas exception
aux règles énumérées ci-dessus. Poinçons de charge et de
décharge sont communément employés depuis la fin du XVIIème
siècle. De même, le poinçon de garantie prend la forme d’une
lettre capitale d’imprimerie, couronnée, modifiée régulièrement
dans l’ordre de l’alphabet.
POINCONS AUTHENTIQUES DE CHALON-SUR-SAONE DE 1762 A 1768
Au moment où notre fourchette est mise en vente, les
poinçons officiels de la cité sont les suivants:
- le poinçon de charge est invariable de 1750 à 1775, il
représente un P stylisé surmonté d’une couronne ouverte et
fleuronnée,
- le poinçon de décharge est une tête de félin vue de face, sa
période d’utilisation est comprise entre 1762 et 1768,
- le poinçon de garantie est une lettre surmontée d’une couronne
ouverte, il est modifié en moyenne d’une année à l’autre (le
poinçon représenté ci-dessus, un L, correspond à l’année 1764).
LES RAISONS D'UNE FRAUDE FISCALE
En cette fin du long règne de Louis XV, qui décède en 1774,
les finances publiques très malmenées, consécutivement à de
nombreux conflits le plus souvent perdus, font l’objet d’un
redressement énergique. Les taxes relatives à l’orfèvrerie (droit
de marque et prix de l’essai) atteignent alors pour les objets
communs près de la moitié de la valeur facturée par l’orfèvre!
Un coût exorbitant qui suscite chez quelques orfèvres une
vocation de fraudeur.
L'OBJET, SES FAUX POINCONS
La fourchette faisant l'objet de cet article
est en argent uni, sans monogramme ou armoiries,
elle est en parfait état de conservation, avec
encore des fourchons bien acérés.
Sa longueur est de 20 centimètres, elle pèse 73
grammes.
Le montage ci-dessous reproduit les différents
poinçons observés au dos du manche, dans l’ordre
original constaté (le haut de la photo étant proche
des dents).
Les poinçons, remarquablement conservés, très frais
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Marque authentique de l'orfèvre, Claude
Bénigne OUDOT
Le poinçon représente les initiales CO du maître,
séparées par un point, surmontées d’un blason
polylobé couronné contenant 3 annelets.
L'orfèvre est reçu à Chalon en 1757, il exerce son
activité jusqu'en 1778.
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Premier faux poinçon,
Un P antique couronné jouant le rôle de poinçon de
charge,
Second faux poinçon,
Le même P antique que le précédent, sensé
représenter un poinçon de garantie.
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Dernier faux poinçon, une tête de félin qui
ressemble à s'y méprendre à la marque authentique de
décharge!
Dernier poinçon, peu lisible mais authentique,
frappé ultérieurement entre 1781 et 1789, et
matérialisant la remise en vente de l’objet à cette
époque (poinçon dit "des vieux ouvrages").
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Si l'on excepte ce dernier poinçon témoin d'une époque
postérieure, on peut résumer comme suit l'organisation de la
fraude par Claude Bénigne OUDOT:
- que ce soit vis à vis de son acheteur, et dans l'éventualité
de contrôles, il se tient à la frappe de 4 poinçons,
conformément à ce que supporterait tout autre objet ayant
normalement acquitté les droits,
- il fabrique un P, suffisamment antique pour rappeler en
quelque sorte le poinçon authentique de la charge.
- en revanche, il ne juge pas utile de créer un poinçon de
garantie particulier, un risque qui ne portera d'ailleurs pas à
conséquence,
- enfin, il termine son ouvrage en créant et frappant son
poinçon "personnel" de décharge exceptionnellement proche du
poinçon officiel de Chalon-sur-Saône entre 1762 et 1768. C'est
d'ailleurs ce dernier poinçon qui permet de déterminer le moment
effectif de réalisation de cette fraude.
Cette dernière est passible des pires punitions, de la simple
radiation de la corporation des orfèvres et jusqu’au
bannissement et même...la peine de mort.
Il semble cependant que cette fraude n'ait jamais été constatée,
la biographie de Claude Bénigne OUDOT ne fait état d'aucune
condamnation particulière, et il poursuit tout à fait
normalement son activité jusqu'en 1778. L'acheteur était
peut-être complice...
BIBLIOGRAPHIE
Cette fraude a été dûment décrite dans un ouvrage de
référence, faisant partie de la collection des Cahiers du
Patrimoine, n° 56, intitulé "Les orfèvres de Bourgogne" (livre
collectif réalisé sous l'égide du Ministère de la Culture, 1999,
ISBN 2-85822-272-X), pages 20 et 21.
Une pièce aussi exceptionnelle est bien sûr remarquable dans
toute collection particulière, son excellent état de
conservation augmente d’autant sa valeur.
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